Notre pays traverse une crise économique et sociale qui débouche sur une crise politique dont les principaux symptômes sont l’abstention et la poussée du vote protestataire incarné par le Front National.
Le diagnostic est banal, mais il est très insuffisant pour expliquer la poussée électorale du Front National dans le sud du département des Yvelines, même si on observe de fortes nuances imputables à la composition sociologique du corps électoral.
En réalité, les campagnes éprouvent à juste titre un sentiment d’abandon car les populations des territoires ruraux ne maîtrisent plus leur destin.
LES VILLES TRUSTENT LES PLACES
Si l’on comptabilise les élus de droite qui dominent la vie politique du département, force est de constater que les villes trustent quasiment toutes les places qui comptent comme le démontre une cartographie des élus qui prennent les grandes décisions : président et vice-présidents du Conseil départemental, conseillers régionaux et parlementaires.
Normal, diront certains c’est une simple conséquence de la démographie. Mais est-ce bien sûr ? Avec ses 87.000 habitants, Versailles compte 1 sénatrice, deux députés, trois conseillers régionaux et deux vice-présidents du Conseil départemental dans les communes riveraines de Viroflay et Jouy en Josas, tandis que le sud Yvelines qui compte une population supérieure à 100.000 habitants est représenté par 1 sénateur, 1 député, 2 conseillers régionaux et 1 vice-présidente du Conseil départemental. Trois d’entre eux sont issus de la ville de Rambouillet (26.000 habitants) et deux seulement des campagnes dont la population est trois fois supérieure…
Les campagnes sont clairement marginalisées, elles souffrent d’une sous-représentation politique et les ruraux ont beaucoup de mal à se faire entendre.
DES CITOYENS DE SECONDE ZONE ?
La question se pose. Un exemple ? Alors que le Conseil départemental avait voté un plan de déploiement de la fibre optique en 2012 pour desservir les 158 communes rurales, il a été brutalement interrompu en 2014 par le nouveau président du Conseil Général sans susciter de réaction des « grands » élus qui ont la chance de vivre dans des villes où la fibre optique doit être déployée par les opérateurs privés. Soumis au mécontentement et à la pression de leurs électeurs, les maires ruraux n’en peuvent mais et sont condamnés au silence pour ne pas prendre le risque de se fâcher avec le département, l’un des principaux pourvoyeurs de subventions !
De même, peu de « grands » élus se sont mobilisés (Gérard Larcher et J.F. Poisson) contre les conséquences néfastes d’une application mécanique de la loi SRU dans des villages du sud-Yvelines, au moment où les campagnes semblent parfois devenues un exutoire pour la gestion de populations difficiles alors qu’elles n’ont ni les équipements, ni les moyens humains nécessaires à leur accueil. Dans un assourdissant silence, les petits incidents se multiplient mais les habitants ne sont pas dupes car ils sont les témoins impuissants d’une insécurité croissante.
En matière de déplacements, la situation n’est pas meilleure. La quasi totalité des grands projets du département est située dans le nord pendant que les ruraux du sud passent des heures sur les routes faute d’investissements suffisants. Que fait-on pour résorber les embouteillages de la RN10 à Coignières et aux Essarts le Roi ? Rien.
Il est certain qu’il en irait différemment si les campagnes étaient justement représentées dans les instances de décision politique.
QUE FAIRE ?
Le découpage électoral est bien évidemment l’une des premières causes de cette situation. La 2e circonscription des Yvelines que je connais fort bien est composée d’une moitié nord qui comprend une partie de Versailles, ainsi que les villes de Vélizy et Viroflay, tandis que la moitié sud s’étend jusqu’à la vallée de Chevreuse dont l’électorat majoritairement à droite est réduit à l’état de force supplétive pour garantir l’élection d’un élu de droite issu d’une des villes du nord… Il a fallu un concours de circonstance exceptionnel (la nomination de Valérie Pécresse aux postes de ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, puis du budget) pour qu’un élu du sud (l’auteur de ces lignes) rejoigne l’Assemblée nationale. Cette parenthèse s’est refermée, tant pis pour le sud.
La population des élus a, elle, beaucoup évolué. Il n’y a pas si longtemps régnait encore une sorte de cursus honorum qui permettait aux élus de se former en accédant progressivement à des responsabilités de plus en plus importantes, gage d’enracinement local et d’efficacité. Aujourd’hui, de plus en plus d’élus sont des apparatchiks directement issus de formations ou de groupes politiques dont dépend leur avenir…
C’est donc une crise profonde qui atteint notre système politique, une crise qui doit nous conduire à nous interroger sur les remèdes à apporter à ces dévoiements de la démocratie représentative, des remèdes simples au demeurant.
Le Conseil départemental des Yvelines a organisé des « Assises de la ruralité », Valérie Pécresse s’est engagée à soigner les territoires ruraux.
Mais qui va décider de ce qui est bon pour eux ?
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