Je suis intervenu dans l'hémicycle pour attirer l'attention du gouvernement sur la question de la prise en charge des coûts de fonctionnement des aires d'accueil des gens du voyage :
"Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, nous examinons une proposition de loi déposée par les députés socialistes et qui vise à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage, qui, dans leur grande majorité, sont français.
Chers collègues socialistes, l’intention est louable, mais votre proposition est d’une portée bien modeste. En effet, que proposez-vous, si ce n’est la suppression du carnet de circulation ? Vous mettez en avant les traitements discriminatoires qui portent atteinte aux droits civiques des gens du voyage et à leur liberté de circulation, en soulignant l’obligation qui leur est faite de choisir une commune de rattachement, mais vous ne proposez pas vraiment de solution. Vous insistez sur le manque d’égalité dont ils sont victimes. Vous exigez la fin de leur stigmatisation et leur intégration dans la société par l’application du droit commun. Vous avez raison. Qui pourrait souhaiter le contraire ? Les gens du voyage doivent être assurés de bénéficier des mêmes droits que chaque citoyen français ; ils doivent aussi être tenus de respecter les mêmes devoirs.
C’est dans cette perspective que j’ai déposé une proposition de loi qui vise à rendre facultatif pour les collectivités territoriales l’entretien des aires d’accueil des gens du voyage et à en assurer le financement par leurs utilisateurs. En effet, si la mise en place des aires d’accueil, prévue dans la loi du 5 juillet 2000, a pris un retard important, c’est notamment en raison des charges supplémentaires imposées aux communes et, par conséquent à leurs habitants, pour leur réalisation et leur fonctionnement. Aussi, afin d’encourager l’achèvement rapide du schéma national des aires d’accueil, qui n’est qu’à demi réalisé, je propose de transformer l’obligation de gestion et d’entretien qui pèse sur les communes en une faculté. Cette pratique a d’ailleurs parfois déjà cours, en dehors du cadre légal, certes, mais elle produit de bons résultats.
Les gens du voyage doivent être, et veulent être, des citoyens ordinaires. Très bien. Mais pourquoi bénéficieraient-ils d’un traitement différent des autres citoyens français ? Pourquoi ne s’acquitteraient-ils d’aucune obligation financière liée à leur lieu de résidence, même choisi, même de passage, alors que les populations sédentaires, y compris les catégories sociales les plus modestes, doivent soit acquérir un terrain et y construire, soit supporter les charges de tout locataire d’un logement ? La plupart des membres de la communauté des gens du voyage disposent de moyens suffisants pour assumer les charges liées au stationnement sur les aires d’accueil : eau, assainissement, électricité, prestations de service. Pourquoi imposer à des sédentaires, qui ont parfois du mal à accéder à certains services, une solidarité envers une catégorie de la population qui, elle, en serait exemptée sous prétexte de son mode de vie ?
Ce faisant, l’État n’agit-il pas de façon discriminatoire au détriment des populations sédentaires ? Vous vous rallierez donc, j’en suis certain, à cette proposition de loi afin qu’elle puisse bientôt voir le jour et que tous les Français soient égaux en droits et en devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)"
Votre affirmation selon laquelle les Gens du Voyage ne s’acquitteraient d’aucune obligation financière liée à leur lieu de résidence est vraiment très loin de la réalité.
Vous montrez ici que cette opinion a apparemment cours chez de nombreux élus, parmi un ensemble d’autres préjugés très tenaces touchant les Gens du Voyage. De plus, de nombreux élus se laissent aller à propager ces idées reçues auprès de leurs administrés, contribuant ainsi à monter des populations les unes contre les autres contrairement à leurs missions d'élus de la République.
Avec la mise en ligne de votre intervention, vous donnez l’occasion d’engager un échange avec ceux qui travaillent tous les jours sur le sujet. Cet échange fera émerger les faits tels qu’ils sont, derrière les mythes touchant les Gens du Voyage : vous pouvez en être remercié.
Notre « Association Gens du Voyage en Yvelines » s’est donnée pour mission d’œuvrer dans ce sens, et de susciter, comme je le fais ici, des débats constructifs sur ces différents sujets. Nous sommes également prêts à vous assister dans l'élaboration de propositions de loi que vous voudrez faire à l'avenir dans ce domaine, pour qu'elles reflètent mieux l'état des connaissances et des questions à résoudre.
Au demeurant, les objections des élus sont régulièrement recueillies, et des réponses sous forme de propositions d'actions d'ensemble leur sont proposées depuis des décennies. Ainsi pour les Yvelines, le rapport « Aulne » commandité par le Conseil Général (novembre 1983), plusieurs études de la DDE (pour l'une desquelles vous avez reçu une étudiante en juillet 1998), le Schéma Départemental pour l'Accueil des Gens du Voyage, etc ... .
Sur le point particulier de votre billet : toutes les aires d’accueil ont bien sûr un tarif pour le séjour et une facturation des fluides. Les familles doivent aussi rembourser les prêts liés à l’achat des caravanes. Les charges mensuelles pour les familles sont importantes (et encore plus ramenées au m² de surface habitable de caravane) : pour une famille dont les revenus ne sont que de 900 euros par mois, le taux d'effort peut atteindre 50%.
S’il reste cependant des dépenses à la charge des communes, c’est en effet qu’il s’agit ici en grande partie d’une politique sociale de solidarité en faveur de familles souvent démunies. En cas de difficultés pour régler les charges les plus vitales, les familles peuvent recevoir des aides des Fonds de Solidarité Logement (dont le financement provient du Conseil Général, des bailleurs sociaux, de la CAF, ..), comme les autres familles en difficulté. Les familles solvables sont, pour leur part, prêtes à acquitter des charges relativement élevées.
Pour en rester à des arguments purement économiques, la situation actuelle est également génératrice de dépenses en pure perte de la part des communes : coûts de remise en état des terrains, de poursuite judiciaires, de protection contre les caravanes, … . L’aménagement d’aires d’accueil et de formes d’habitat adapté génère en fait de nombreuses économies.
Mais le point principal est que ces familles font en réalité partie intégrante de la société locale : d’une certaine manière « elles étaient là avant nous ». Les collectivités aménageuses les ont repoussées d’opération d’urbanisme en opération d’urbanisme depuis le XIXème siècle sans jamais leur proposer les espaces et les services dans lesquels elles investissaient pour les autres populations. Ce retard reste à combler, en utilisant de manière organisée tous les outils développés à cet effet pour les politiques d'aménagement, d'action foncière, d'urbanisme et de logement. C’est à la fois une question de justice et, pour les familles les plus pauvres, une question de solidarité élémentaire.
François Godlewski, Association Gens du Voyage en Yvelines
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Monsieur,
Ma proposition de loi vise à corriger un hiatus entre le droit et le fait puisque la loi en vigueur laisse les dépenses de fonctionnement à la charge des communes alors que certaines d'entre elles, directement ou indirectement, perçoivent des droits d'usage comme vous le mentionnez à juste titre.
Elle rétablit l'égalité des citoyens et lève une incertitude juridique à laquelle il faut remédier.
Sur le fond, j'observe des situations très différentes d'un site à l'autre : dans telle commune, l'aire d'accueil est confiée en gérance et les usagers acquittent des droits qui couvrent l'essentiel des charges à la satisfaction de tout le monde, dans d'autres les usagers ont refusé de payer et laissé une grosse "ardoise" à la commune d'accueil comme cela est arrivé l'an dernier dans une commune du sud-Yvelines.
Bref, il ne faut pas généraliser.
Yves Vandewalle
Rédigé par : François Godlewski | 16 février 2011 à 12:15