Comment s'est constituée l'identité nationale ?

J’ai participé au débat sur l’identité nationale organisé à l’Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines. Un débat malheureusement fort perturbé, notamment par les deux professeurs qui devaient jeter les bases du débat… Notre démocratie a encore des marges de progrès !
Alors, je livre aux lecteurs ces quelques éléments de réflexion que j’aurais aimé soumettre au débat.

La France est un vieux pays qui s’est construit en deux millénaires par une alchimie complexe, à l’instar de la Chine et à la différence d’autres pays beaucoup plus jeunes comme les Etats-Unis, ou plus près de nous l’Allemagne et l’Italie dont l’unité est récente.
L'identité de la France est incontestable et reconnue partout dans le monde. Elle repose, me semble-t-il, sur quatre piliers.

Notre pays est un amalgame de peuples. Contrairement à certains pays comme la Chine où une ethnie, les Hans, se confond avec le pays, notre peuple est constitué d’apports successifs progressivement fondus dans un même creuset : Les Celtes, puis les peuplades gauloises plus ou moins romanisées, puis les peuples des Grandes Invasions entre les Ve et Xe siècle (les Francs, les Normands…).

Plus près de nous, des Italiens au début du XXe siècle ainsi que des Polonais et des Espagnols, avant les immigrations d’après-guerre du Portugal et du Maghreb. Non sans mal parfois, l’immigration italienne au début du XXe siècle a soulevé des réactions xénophobes, qui s’en souvient ? C’est un processus original et une différence majeure avec, par exemple, l’Empire austro-hongrois où les peuples ont conservé leur identité à travers les siècles. Jusqu’à nos jours, comme les récentes guerres balkaniques en ont fait la triste démonstration.
Le vrai « melting pot », c’est la France. A condition de ne pas laisser s’affaiblir le processus d’assimilation car « l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses » Renan.

La France est un Etat-nation, fondé sur un pouvoir politique centralisé et une culture de l’Etat incarnation de l’intérêt général. Le tout s’est construit depuis Philippe le Bel et les légistes, s’est amplifié sous la Révolution, a atteint son apogée sous la Troisième République. La motivation est claire et forte : l’individu accepte d’abandonner une part de sa liberté individuelle contre de la sécurité au sein d’une patrie. L’affaiblissement de l’Etat est donc un danger pour l’identité nationale car s’il ne remplit pas sa mission, l’individu peut être tenté d’assurer sa sécurité au sein d’une autre communauté (tribu, communauté religieuse…). Il faut donc être attentif aux facteurs d’affaiblissement : la crise de l’Etat-providence et l’impuissance apparente de l’Etat face à la mondialisation…

Troisième pilier : la démocratie politique comme mode de gouvernement pour organiser la vie des citoyens dans la cité. Une démocratie fondée sur les principes de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen résumés dans la trilogie Liberté, Egalité, Fraternité. Nous sommes une communauté de valeurs et d’intérêts qui sont encore loin d’être universellement partagés. Le seront-ils même un jour ? Claude Lévi-Strauss en doutait.

Une civilisation chrétienne. Depuis l’Antiquité, le christianisme a imprégné en profondeur notre société. A commencer par l’art et la littérature, dont beaucoup d’œuvres sont incompréhensibles sans un minimum de culture religieuse. Nous sommes même un pays catholique. Ce qui est important pour les rapports sociaux comme Max Weber l’a montré en opposant les pays de tradition protestante aux pays de tradition catholique. Pourtant, notre pays entretient un rapport original avec la religion. Le principe de laïcité fait de la France un pays singulier, et la laïcité est mal comprise à l’étranger. C’est un héritage des Lumières qui ont puisé dans une longue tradition historique (déjà, Rabelais…)

En guise de conclusion, relisez Ernest Renan, "Qu’est-ce qu’une nation ?", conférence en Sorbonne, 11 mars 1882.
Une nation puise son âme dans son passé, mais aussi dans le présent avec la volonté, le désir de « vivre ensemble ». « Avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. » Renan

Deux citations que j'aime :

La patrie, c'est l'amour des siens ; le nationalisme, la haine des autres". 
 
"Il faut aimer la France" Franck Borotra, discours d'inauguration du nouveau bâtiment des Archives départementales.