Le processus de fusion avance à grands pas depuis la décision du 5 février de créer un Etablissement public interdépartemental. Un Etablissement dont Patrick Devedjian a pris la présidence le 23 mars, Pierre Bédier se réservant la présidence de la nouvelle SEM interdépartementale issue de la fusion de quatre SEM.
L’idée de cette fusion n’est pas nouvelle puisque j’en avais débattu avec Pierre Bédier en juillet 2014, mais depuis quelques mois les deux présidents qui portent ce projet ont décidé d’accélérer le processus, Patrick Devedjian voulant le faire aboutir dans les «deux ans».
Ce qui me gêne et je ne suis pas le seul, c’est de foncer dans le brouillard car rien ne démontre qu’il est de l’intérêt des deux départements et de leur population de fusionner. Big is beautiful ? Rien n’est moins sûr. Quel est alors le vrai projet politique ?
A ce jour, les présidents ont avancé deux arguments d’ordre politique et d’ordre économique pour justifier leur projet.
METROPOLE OU REGION ?
D’un point de vue politique, il s’agirait pour les Hauts de Seine d’échapper à l’emprise de la Métropole du Grand Paris en se mariant avec un département de la grande couronne qui n’en fait pas partie.
Pourtant rien n’est clair : s’agit-il pour le 92 de quitter la Métropole présidée par Patrick Ollier ou bien s’agit-il pour le 78 de la rejoindre ? Impossible de répondre à cette question qui relève d’une décision du Parlement.
Une seconde question sous-tend ce premier argument : Pierre Bédier laisse entendre qu’une intégration des Yvelines préfigurerait un nouveau visage de la Métropole élargie à la grande couronne ! Mais n’est-ce pas entrer en compétition avec la Région car on n’imagine pas deux structures pour un même territoire ?
Quand Pierre Bédier veut faire rêver en expliquant qu’il s’agit de faire du nouvel ensemble le moteur économique d’envergure mondiale de l’Île de France, il s’arroge des pouvoirs qu’il n’a pas et il ne fait qu’un constat : La Défense, Boulogne-Issy les Moulineaux, Saint Quentin en Yvelines et Vélizy, renforcés par le cluster Paris-Versailles-Saclay, forment déjà une locomotive économique d’envergure mondiale.
L’argument politique semble donc bien fragile et très hypothétique.
DES ECONOMIES BUDGETAIRES ?
L’autre grand argument, ce sont les économies d’échelle que l’on pourrait réaliser sur les frais de structure que Patrick Devedjian évalue à 10%. Peut-être, mais cela reste à démontrer car l’essentiel des dépenses de fonctionnement des départements ce sont des dépenses sociales comme le RSA sur lesquelles il n’y a pas d’économies d’échelle.
Est-il vraiment nécessaire de se lancer dans une opération de fusion, nécessairement longue et coûteuse, pour faire des économies que l’on peut faire plus simplement en multipliant les coopérations ?
Pierre Bédier cite souvent en exemple la ligne de tramway T6, Châtillon – Vélizy – Viroflay pour justifier un mariage avec les Hauts de Seine mais cet exemple démontre précisément le contraire : les deux départements n’ont pas eu besoin de se marier pour mener à bien ce projet majeur.
Les arguments budgétaires ne sont pas convaincants.
QUEL INTERÊT POUR LES YVELINOIS ?
C’est la première question que j’ai posée au président et j’attends toujours des réponses à de nombreuses questions.
La convergence fiscale.
Pourquoi avoir décidé d’augmenter massivement les impôts en janvier dans la perspective d’une fusion ?
Le président a justifié l’augmentation massive des impôts en 2016 (+ 65%, + 131 millions d’euros soit + 125€ en moyenne par foyer et + 35 millions pour les entreprises) par la nécessité de compenser intégralement la baisse de 90% de la dotation de l’Etat pour restaurer la capacité d’autofinancement des investissements. Des investissements nécessaires pour développer et moderniser les infrastructures et les équipements du département. Le prix de l’indépendance et de l’autonomie de décision.
Mais c’est une décision contradictoire dans la perspective d’une fusion prochaine car on s’éloigne de la convergence fiscale qu’il faut rechercher : alors que les taux de la taxe foncière étaient très proches en 2015 (Yvelines à 7,58% et Hauts de Seine à 7,08%), l’écart de taux va passer à + 5% en 2016 ! Faut-il ajouter que la convergence fiscale est nécessaire pour préserver l'attractivité économique des Yvelines dont une partie du territoire est handicapée depuis quelques années par une taxe sur les bureaux aussi injuste que pénalisante ?
La proximité du centre de décision.
Il est paradoxal de vouloir fusionner deux des plus gros départements de France, en termes de population comme de budget, car on va éloigner la population et les élus du centre de décision. Qu’y a-t-il de commun entre Raizeux et Clichy ? La préfecture de Versailles sera-t-elle détrônée par Nanterre ou l’inverse ? Que devient la proximité tant vantée par Pierre Bédier qui était farouchement opposé à la suppression des départements et qui, aujourd’hui, veut faire disparaître les Yvelines ? Depuis 2012, le gouvernement a imposé un maelström institutionnel aux collectivités et on en rajoute une couche !
Faut-il ajouter que la création de "Territoires d'action départementale", une déconcentration des services, ne change rien à l'affaire car le pouvoir de décision restera centralisé ?
Le sort de la zone rurale.
La zone rurale représente 70% du territoire yvelinois, mais elle ne sera représentée que par moins de 10% des élus ? Que pèsera-t-elle dans les décisions d’une assemblée dominée par les citadins alors qu’elle joue un rôle essentiel dans l’attractivité du territoire yvelinois ? L’interruption du plan de déploiement de la fibre optique dans les 158 communes rurales en 2014 est un précédent qui doit faire réfléchir.
Voilà quelques-unes des très nombreuses questions que pose ce projet de fusion. Des questions qui méritent d’autres réponses que des affirmations gratuites et des généralités de salon.
Pour ma part j’aime les Yvelines, je suis fier du travail accompli dans le passé par les élus départementaux dont la bonne gestion est attestée régulièrement par les classements nationaux.
Je connais l’attachement des Yvelinois à ce territoire réputé pour la qualité de la vie. Je ne suis pas prêt à sacrifier les Yvelines sur l’autel d’ambitions fumeuses et de rêves de grandeur, sauf si on me démontre que la fusion permettra d’améliorer réellement le sort des Yvelinois.